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learning basic economics and finance

titrisation

   

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Le mécanisme de la titrisation (en anglais: securitization  ou securitisation) est d'une grande simplicité. Cette technique financière est importante en raison de son double impact, au niveau micro-économique, pour les banques, et macro-économique pour les marchés, et plus généralement dans le monde de la finance.

 

Les banques, grâce à la titrisation, peuvent vendre des crédits existants contre un paiement cash. Elles y ont recours pour alléger leur bilan par exemple, ou pour modifier leur politique commerciale en visant de nouvelles catégories d'emprunteurs sans alourdir leur bilan.

 

Les marchés sont friands de la possibilité d'investir dans des "paquets" de crédits issus de secteurs spécifiques et regroupant des centaines ou des milliers d'emprunteurs différents.

 

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Au plan macro-économique, s'il y avait une chose à retenir, ce serait ceci: la titrisation permet de canaliser l'épargne non-bancaire vers le créditPrécisons: l'épargne non-bancaire c'est l'argent qui circule dans ce qu'on appelle globalement les marchés, La titrisation permet donc PLUS de crédits en direction des entreprises et des consommateurs. PLUS que ce que les banques peuvent faire car elles sont limitées par de nombreuses barrières de sécurité.

 

La titrisation est une clé essentielle pour saisir l'utilité des marchés financiers. Elle permet entre autres de comprendre ce qui s'est vraiment passé dans la crise des subprimes.  Et aussi pourquoi la BCE a évoqué son utilisation en septembre 2014.

Incidemment, la titrisation existe aux Etats-Unis depuis ... 1934. Et elle a repris de plus belle depuis la dernière crise: attribuer à la titrisation la responsabilité de la crise des
subprimes n'aurait ainsi pas plus de sens que ... de reprocher à l'avion la responsabilité des catastrophes aériennes.

  

 

  

principe 

passerelle entre la banque et le marché

outil de politique économique

pour aller plus loin actualité

 

 

 

 

 

  

 un principe vraiment simple

Titriser signifie créer des titres.

 

Avant de voir le comment, voyons à travers un exemple concret le pourquoi, c'est-à-dire  l'utilité de la titrisation. Pour cela, imaginons  un groupe d'amis ayant ceci de particulier que tous ont  consenti un prêt personnel à un tiers.


Chacun a donc signé un contrat de prêt avec un emprunteur.  

 

Partant du principe qu'une gestion commune des prêts serait plus efficace qu'une gestion individuelle, ils décident de transférer l'ensemble des prêts dans une société créée pour la circonstance et qui va jouer le rôle d'un pool. En contrepartie de son apport dans ce pool, chacun reçoit un certificat d'un montant correspondant à la valeur du prêt apporté. Ces certificats, appelés titres, sont au porteur. 

 

On voit déjà un premier avantage: avant cette opération, chacun était "lié" à son emprunteur par un contrat de prêt. Après, il n'y a plus de contrat, mais un "titre" donnant droit à remboursement de la part du pool.

C'est alors qu'une discussion s'engage. Certains des participants proposent de se retirer, d'autres sont prêts à racheter les parts disponibles. D'autres, enfin, réfléchissent à une revente possible, mais en dehors du groupe d'amis. 

Ils viennent d'inventer la titrisation, c'est à dire la transformation de crédits nominatifs en titres anonymes et donc cessibles.

 

 

détail du mécanisme 

Les emprunteurs  d'origine sont toujours les mêmes, à savoir les bénéficiaires des prêts. Ils ne sont plus endettés vis-à-vis des prêteurs, mais vis-à-vis du pool, ce qui, pour eux est sans conséquence.

 

Pour les prêteurs d'origine, c'est comme si le pool s'était substitué aux emprunteurs. Pour dire les choses autrement, les prêteurs d'origine détiennent à présent des créances sur le pool.  

 

Pour eux la différence est grande, à double "titre". D'abord ils n'ont plus à se préoccuper de la gestion administrative des prêts (collecte, relance, ...). Mais surtout, ils ont  la possibilité de sortir  à tout moment de leur engagement. En contrepartie de ce service, naturellement, ils consentent à l’administrateur du pool, l’un d’entre eux ou un tiers, une petite rémunération.

 

 


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Les prêteurs sont devenus des investisseurs ! 

 

Ce n'est pas qu'un changement de vocabulaire. L'investisseur est en effet libre de retrouver sa mise à tout moment et de choisir un autre placement. Le prêteur n'a pas ce choix, il est lié par contrat à l'emprunteur et n'est libéré de cet assujettissement qu'à l'expiration du prêt.  

 

Remarques

 

1- L'exemple décrit est très proche de la réalité à un détail près. On a bien compris que le "groupe d'amis" représentait les banques prêteuses. Dans la vraie vie, pourrait-on dire, les banques vendent purement et simplement leurs crédits à ce qui a été appelé ici le pool. Rares sont celles qui choisissent d'acquérir les titres correspondants après la cession, comme dans le scénario ci-dessus.

 

2- Il n'est pas inutile de réfléchir à cette différence entre le statut de prêteur et celui de détenteur d'un titre du même montant. C'est le passage de la banque ( qui personnalise le crédit ) au marché ( qui est anonyme ) et où les titres s'échangent au gré du vouloir de chacun. Rigidité d'un coté, flexibilité de l'autre. Ressources limitées d'un coté (les ressources des banques dépendent grosso-modo des dépôts) et ressources illimitées de l'autre (le marché).

 

3- Clin d'oeil de l'actualité: vous avez peut-être lu le sigle ABS dans la communication de la BCE en octobre-novembre 2014. Cet acronyme désigne tout simplement, en jargon financier, les titres dont il a été question ci-dessus. C'est-à-dire de titres issus de crédits, ou plutôt adossés à des crédits. ABS veut dire Assets Based Securities. Securities signifie les titres. Based veut dire adossé et Assets désigne les crédits.

 

 

 

 

 

 

 

 

 une passerelle entre la banque et le marché

  

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Pour faire le lien avec ce qui suit, voici le schéma de la titrisation pour les banques.

 

L'actif et le passif sont représentés par des rectangles. Les crédits distribués par la banque s'inscrivent à l'actif du bilan. Les fonds propres quant à eux apparaissent au passif  (les bases du langage comptable font l'objet d'un module spécifique du cours). Pour simplifier, disons que les fonds propres représentent le capital.

 

Ce qui est important est la visualisation de quelque chose de très abstrait: la vente des créances (les crédits) à l'acheteur lequel, pour payer "vend" à son tour des obligations à des investisseurs.

 

L'acheteur est une structure intermédiaire, appellée SIV (Special investment vehicle) ou SIC (Special investment company) en jargon anglais. C'est l'équivalent du pool évoqué ci-dessus. 

 

 

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intérêt pour la banque

Venons-en à la signification profonde de la titrisation.

 

Sa raison d'être n'est pas le désir des banques de simplifier leur gestion.  Ou de se "débarrasser" des mauvais crédits, comme cela a été hâtivement commenté dans le contexte des subprimes. Une interprétation étrange au demeurant, car on peut se demander qui aurait envie d'acheter des mauvais crédits. 

 

Les motivations des banques pour céder une partie de leurs crédits sont multiples. 

 

  • La principale est de réduire leur encours - c'est-à-dire le volume de ces crédits - au regard des contraintes réglementaires imposant un certain niveau de fonds propres par rapport aux crédits accordés. Si les fonds propres baissent, après des pertes par exemple, la banque doit réduire ses engagements pour respecter les ratios imposés. Pour cela elle va vendre une partie de ses crédits  à un tiers, une banque ou ... une structure de titrisation. Pour les clients de la banque qui ont bénéficié de ces crédits, rien ne change. La banque continue de percevoir les remboursements, qu'elle reverse ensuite à la structure de titrisation.

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    Comme on le voit sur ce schéma, l'encours des crédits "portés" par la banque a baissé, manière d'améliorer  le ratio encours/fonds. Par ailleurs "dette bancaire" peut surprendre. Les banques se prêtent entre elles en permanence sur le marché interbancaire, un mécanisme expliqué dans "LE ZOOM" ci-contre. 

  • Une autre raison tout aussi importante est le souci de modifier le profil de risque du portefeuille de crédits. Dans ce dernier cas, la banque vend les crédits d'un secteur économique donné et redistribue de nouveaux crédits dans un autre secteur. 

  • La troisième raison parait  contredire la première: en allègeant le bilan des banques, la titrisation leur donne la possibilité de prêter plus. Comment ? Tout simplement en titrisant chaque nouveau crédit, ce qui n'augmente pas leur encours et donc ne modifie pas les équilibres prudentiels. Il n'est  donc pas étonnant qu'en Europe on cherche à développer la titrisation,  "on" étant les banques et certains gouvernements. Ce qui motive la banque dans le fait de prêter plus est la perspective de gagner plus. En effet, elle perçoit une marge sur chaque crédit vendu à une structure de titrisation. 

    On verra dans le chapitre consacré au décryptage des calculs financiers comment cette marge est calculée et comment dans le cas des subprimes, elle a pu atteindre des niveaux incroyablement élevés. Pour ceux qui sont à l'aise avec le calcul actuariel, le prix de vente d'un crédit est la valeur présente des paiements futurs. Plus le taux d'actualisation est faible, plus la valeur présente est forte. Il suffit de revendre un crédit à un taux d'intérêt inférieur au taux que connait l'emprunteur pour réaliser une marge importante: plus de 7% de marge par exemple pour un crédit sur 25 ans revendu avec un différentiel d'intérêt de 1%. La banque qui cède un crédit de 100 000 euros dans ces conditions touche 107 000 euros !

 

La titrisation donne donc aux banques une immense flexibilité dans la gestion de leurs crédits.  

 

intérêt pour les investisseurs

 

Pour les investisseurs aussi la titrisation est un facteur de flexibilité. C'est en effet pour eux la possibilité de choisir avec précision où ils souhaitent investir.

 

Qui sont ces investisseurs ? Toutes les institutions de France et d'ailleurs qui ont durablement ou épisodiquement de l'argent à placer. Institutions privées ou publiques, ces investisseurs pourraient placer cet argent dans les banques. Beaucoup préfèrent faire des placements en bourse, acheter des obligations, prendre des participations dans des entreprises. Ou simplement confier leur argent à des organismes spécialisés qui feront des placements en leur nom.  

On trouve ainsi des compagnies d'assurances, des fonds de pension, des Etats souverains détenteurs d'excédents, des fonds de placement, etc ...

L'ensemble des capacités financières des investisseurs est estimé à 70 000 milliards $ ! Ce chiffre astronomique explique la motivation des banques d'affaires proposant des solutions d'investissement.

 

Comme on l'a vu, la titrisation va permettre d'offrir de nouveaux "titres" d'investissement sur le marché financier. Ces nouveaux titres sont des obligations mélangeant des crédits d'origines diverses.

Cette diversité joue au niveau des catégories d'emprunteurs. Elle joue aussi au niveau des catégories de biens financés.

 

C'est précisément ce que veulent les investisseurs: choisir!

Ceux qui ont des affinités avec l'immobilier choisiront des obligations issus de crédits immobiliers. Il en sera ainsi pour ceux qui préfèrent tel ou tel secteur industriel ou tel type de biens (avions, voitures, bâteaux, etc...).

Le choix d'un investissement sur-mesure est dès lors possible ! Et à tous ces investisseurs, il apparaît qu'il est moins risqué de prêter à 100 ou 1000 emprunteurs, plutôt qu'à un seul. 

On comprend la ruée des banques d'affaires, en aval de la titrisation. Elles ont exercé tous leurs talents pour diversifier au maximum les choix possibles. Un exemple de cette "ingéniérie financière" est présenté en deuxième partie.

 

 

 

 

 

 
 
 
 
un outil de politique économique
un peu d'histoire   la titrisation a été inventée aux Etats-Unis en 1934, dans le contexte du New Deal, sous Roosevelt. Le problème posé alors était la relance de l'économie après le désastre de la crise de 1929. Les banques, durement touchées par la crise, ne pouvaient pas fournir les crédits nécessaires, du fait des pertes subies. Pourtant il y avait des ressources disponibles. La titrisation a permis de capter ces ressources pour  financer les crédits à l'économie sans charger le bilan des banques.


La titrisation est un moyen de développer le crédit sans charger les banques. 

Il faut bien voir ce point: la titrisation entraîne un changement profond du mode de financement du crédit. Les crédits inscrits au bilan sont habituellement financés pour partie par les dépôts de la clientèle, et pour le reste, massivement, par appel au marché monétaire.

 

Ce marché monétaire est lui-même alimenté par les banques excédentaires en trésorerie et par les banques centrales. Celles-ci assurent "la liquidité du marché" tout en appliquant leur politique monétaire (contrôle de la masse monétaire par les volumes et les taux d'intérêt), comme expliqué dans le chapitre sur la banque.

La titrisation transporte le risque de crédit en dehors de la sphère bancaire. Les crédits titrisés sont financés par les marchés, c'est-à-dire par l'épargne des investisseurs.

Cette possibilité de financer les crédits en dehors des circuits bancaires est particulièrement recherchée lorsque les banques sont à la peine pour faire leur métier, faute de fonds propres suffisants.

  

La relance de l'économie européenne impose le développement du crédit aux entreprises. Or de nombreuses banques européennes sont proches de leurs limites, du fait des risques qu'elles supportent déjà et des dispositions de Bâle III qui pourraient leur imposer des ratios de fonds propres plus sévères.

  

La titrisation est donc un sujet d'actualité. Les choses se feront, mais lentement car le traumatisme des subprimes est encore dans les esprits....

    

 

 

 

pour aller plus loin, actualité

 

Il y a plusieurs raisons de s'intéresser particulièrement à ce thème.


La titrisation est un sujet d'actualité dont on parle de plus en plus depuis que la BCE l'a officiellement lancé en janvier 2015. Sur un plan pédagogique, c'est donc pour vous autant d'occasions de "pratiquer" vos connaissances.
 

 

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Par ailleurs, la titrisation permet de prendre le chemin de la crise des subprimes. Un chemin passionnant sur un plan pédagogique également, car c'est l'occasion de découvrir l'étonnante créativité des banquiers d'affaires...

 

 

 

 

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MAJ 



19/01/2016